Ce texte, de M. BACLER d’ALBE-DESPAX, est extrait du bulletin de la Société de Borda n°295 du troisième trimestre 1959.

Le 25 mars 1718 naissait à Dax Jacques-François, fils ainé d’Etienne de Borda et de dame Marthe de Lacoste. Le parrain fut Jacques-François de Borda, président au Présidial, son grand-père; la marraine, demoiselle Marguerite Daillencq, épouse de Cyprien de Lacoste sa grand-mère ou sa tante. Signèrent l'acte Borda, père; M. d'Aillencq; de Borda. parrain; de Maumen, Saint-Genez. Destrac de Saint-Pée, d'Oro Saint-Martin, Destrac de Borda, Castaing; de Pons. curé-major de Dax.
Cette pièce, inscrite flans les registres de catholicité de la cathédrale, marque l'entrée dans la vie de celui qui, 160 ans plus tard, donnera son nom à notre société. Le président Thouvignon estimant que le souvenir de Borda d'Oro s'efface par trop derrière celui de son illustre petit-cousin m'a chargée de le raviver.
A part trois pièces inédites, je n'apporte que le résumé des travaux de nos savants devanciers, recueillis dans la collection de notre revue, la jolie Petite histoire de Dax de Raphaël Millies‑Lacroix ; l'Armorial des Landes du baron de Cauna et la Galerie des Landais de Cabannes. Tout le mérite des véritables recherches leur revient donc.
La famille  de Borda était l'une des plus connues et des plus considérées de Dax. Sans être de très haute noblesse, elle remontait à un lointain passé, au moins jusqu'à un Pierre de Borda qui vivait en 1545. Famille de soldats d'abord, qui se tourna ensuite vers des fonctions administratives et judiciaires. Depuis le capitaine Etienne. fils de Pierre, les Borda comptèrent quelque huit rnaires, totalisant environ cent dix ans d’édilité. Les derniers s'intitulaient « maire perpétuel et royal ». Perpétuel n'impliquait pas, du reste, l'hérédité de la charge. C'est le roi qui nommait le magistrat municipal, par l'entremise du gouverneur de province, moyennant de forts droits de chancellerie.
Millies-Lacroix a relevé quelques articles signés par les Borda, entre autres, en 1619, un important règlement pour la vente des vins (déjà); en 16l8 et 23 deux arrêtés au sujet de la milice bourgeoise, chargée de garder la ville, d'assurer les escortes d'honneur ; en 1634, un autre, fort amusant, sur la police des mœurs.
Le dernier maire de la famille fut Jean-Louis de Borda-Josse, choisi en 1768 par le roi sur une liste de trois noms, les deux autres étant de Saint-Martin-Bétuy et d'Argoubet aîné.
Le grand-père, l’oncle et le père du nouveau-né furent titulaires de hautes charges dans la magistrature.
La lignée Borda, de tout temps nombreuse, se scinda après Sauban, petit-fils de Pierre; un Bertrand donna naissance à la branche aînée : Borda d'Oro, Charitte et Josse. La branche cadette fut Borda-Labatut. Ils étaient alliés â butes les bonnes familles de Dax et des environs : Amou, Lamothe, Lalande, Pons,
Dailhencq, d'Inarre, Saint-Genez, Saint-Martin, Grateloup et j'en oublie. Parrains les uns des autres, témoins des actes importants de leurs vies, ils se tenaient dans une étroite solidarité.
Dax comptait quatre demeures de Borda. La plus connue actuellement est celle de la rue de même nom, autrefois rue des Tourniers, qui appartenait à la branche Labatut. Puis, au coin des rues Cazade et du Mirailh, la maison des .Josse, récemment transformée sur la rue Cazade. Les Borda-Charitte habitaient à l'angle de la rue Sully et de la rue Saint-Pierre. Enfin, les Oro vivaient 2, rue Sainte-Ursule. Ces précisions ont été données par notre regretté président Aparisi Serres, lors de la séance solennelle du 4 mai 1933, où l'on célébrait le bicentenaire de la naissance de Jean-Charles de Borda-Labatut.
Pour en revenir à notre parrain, il grandit auprès d'un frère et de deux soeurs, tous plus jeunes que lui et eut comme professeur à Dax le père Boustalet, barnabite. Les mathématiques et l'histoire naturelle l'intéressaient tout particulièrement. Poursuivant ses études à Paris, il y connut d'Alembert, son aîné d’un an.
Mais la maladie et la mort de son père  l'obligèrent a revenir à Dax. Il reprit les charges d'Etienne de Borda : présidence du présidial à 18 ans, lieutenance générale de la sénéchaussée des Lannes à 24 ans. En 1747, à 29 ans donc, il épousa Catherine de Saint-Martin-Betuy, originaire de Saint-Geours-de-Maremne. ll en eut deux fils et deux filles.
C'est vers cette époque que Borda d'Oro s'intéressa à son jeune cousin, Jean-Charles. L'enfant, né rue des Tourniers en 1733, était le quatrième fils d'Antoine de Borda-Labatut et de Madeleine de Lacroix. Il avait de remarquables dons de mathématicien. Jacques-François s'en aperçut et le fit travailler; il réussit à décider le père, peu convaincu, à l'envoyer à Paris; influence décisive qui eut les brillants résultats que l'on sait.
En 1745, une affaire retentissante vint troubler la vie paisible des Dacquois et de leur présidial. Raphaël Milliès-Lacroix nous l’a longuement contée dans sa Petite histoire et je la résume ici. Charles Dantin de Saint-Pée était lieutenant du roi pour les châteaux et cités de Dax et Saint-Sever, doublant le marquis de Poyanne souvent absent. C'était un homme despotique et violent, peu aimé de ses administrés. Le 19 mars 1745, il manda au château le sieur de Bedouich, lieutenant général de police. Pour une question de Te Deum et de réjouissances en l'honneur de la prise de Bruxelles par les Français, il lui fit une scène. De Bedouich, qui dépendait du présidial et non de la ville, répondit que cela ne le concernait pas; Charles de Saint-Pée le fit alors jeter dans un cachot, tout revêtu qu'il était de ses insignes et de sa robe, et pour l'effarement de son escorte.
Dès le surlendemain, J.-F. de Borda d'Oro, très ému, convoqua le présidial; un placet fut adressé au roi, demandant réparation de l'offense. L'affaire traînant en longueur, la municipalité de Dax épousa la cause de son présidial et porta plainte à son tour. Deux ou trois autres réclamations s'y joignirent relatant de graves excès de pouvoirs commis par Ch. de Saint-Pée. Le 5 septembre 1750 enfin, une enquête fut ouverte par le lieutenant-criminel du sénéchal de Tartas, Plusieurs Borda et d'autres Dacquois furent entendus comme témoins, entre autres :
N° 2 Messire Jean-Louis d'Oro, seigneur de Saint-Martin, marquis de Pontonx, 60 ans;
N° 4 Jacques-François de Borda, écuyer, conseiller du roi, président du présidial, lieutenant général au sénéchal d'Ax, 32 ans notre parrain);
N° 5 Dame Marie de Gassiou, veuve du marquis Philippe de Poyanne, habitant le château de Poyanne, 62 ans;
N° 6 Dame Marie-Anne de Borda, marquise de Pontonx, 60 ans (c’est la tante de Jacques-François);
N° 8 Dame Catherine de Saint-Martin, épouse de J.-F. de Borda, âgée de 29 ans ;
N° 10 Gracian de Bedouich, conseiller du roi, lieutenant général de police de la ville d'Ax, 50 ans;
N° 11 Demoiselle Cécile de Borda, âgée de 30 ans.
Ils furent unanimes à charger Ch. de Saint-Pée. Néanmoins le parlement de Bordeaux donna en grande partie raison à ce méchant homme.
Ville et présidial portèrent la cause devant le Conseil d'Etat qui cassa les jugements antérieurs et accorda finalement toute satisfaction aux plaignants, le 21 décembre 1751.
Borda d'Oro était désintéressé, sage, travailleur, « le modèle des magistrats » dit M. Coste. Lazariste, dans sa remarquable communication de 1933. Mais l'histoire naturelle l'attirait plus que tout. Aussi donna-t-il sa démission de lieutenant général et président du présidial le 29 septembre 1771, refusant en 1776 la charge de maire. Retiré à Oro, il se consacra entièrement à ses recherches.
Le ravissant château d'Oro, à Saugnacq, existe toujours, au fond de sa grande cour, ses bâtiments de servitude en équerre. Tout près coule le Luy qui faisait tourner un grand moulin, au milieu d'un bosquet de beaux chênes.
Borda était depuis 1745 membre correspondant de l'Académie de Bordeaux. En 1753, l'Académie des sciences de Paris se l'associa. En 1785, fut choisi comme membre de la Société royale d'agriculture. Il échangeait de longues lettres avec ses vieux amis : d'Alembert, Réaumur, Saussure, Duhamel. Réaumur était de beaucoup le plus âgé, né en 1683. Duhamel était de 1700, d'Alembert de 1717, Saussure de 1740; Cuvier, le plus jeune, de 1769.
C'est bien après la retraite de notre parrain que fut construite la tour du Pouy, improprement appelée « de Borda ». Jean-Baptiste-Theophile Sallenave, conseiller du roi, receveur particulier des finances pour l’élection des Lannes, avait épousé en 1785 Cécile-Charlotte de Borda, cousine de Jacques François. Ce mariage ne plaisait pas beaucoup à la famille de la jeune fille, mais il fut rendu indispensable par la venue d'un entant. L'année suivante, Sallenave, qui avait une maison rue du Palais, acheta les propriétés du Pouy et du Marle rouge à son prédécesseur aux finances des Lannes. Il y fit élever une tour de 4 mètres de diamètre sur 20 mètres de haut. On disait avec malice que c’était dans le but de regarder, par-dessus les arbres, ce qui se passait chez son voisin Bergoing avec qui il avait de fréquents démêlés. Fort probablement, le marin et astronome Jean-Charles ne mit jamais les pieds dans cette tour.
Vivant à Oro. mais circulant dans toute la région , Jacques-François accumula les trouvailles. Il avait remarqué à Montfort un harle de pierre blanche criblée de trous inégaux et de galeries convergentes. Il démontra, par une savante dissertation, que c'était l'oeuvre de poissons. Ses amis de Paris jugèrent que ce travail devait prendre place dans le recueil des mémoires imprimés chaque année par l'Académie des sciences. Ils insistèrent beaucoup pour que le savant dacquois vint lui-même présenter son oeuvre en séance publique; niais Borda, timide et modeste, refusa avec une sorte d'effroi de se rendre à Paris.
Dax pavait alors ses rues avec une sorte de porphyre vert, parsemé de points blancs : « Des pierres de collection », dit M. Coste, roulées par le gave. Borda d'Oro les signala, après les avoir étudiées.
Il découvrit à Abesse du minerai de fer.en roches, dont les pores étaient pleins d'un liquide non défini. Il trouva toutes sortes de corps marins fossiles et s'en constitua une remarquable collection. Très généreux, il aidait ses confrères à enrichir les leurs. « Jacques-François de Borda a jeté un coup d'oeil divinatoire sur le passé préhistorique de son pays natal », conclut M. Coste.
Sur le plan pratique, notre savant parrain eut aussi une influence certaine. L'industrie de la porcelaine l'intéressait; il se mit en rapports avec le chimiste Macquer (1718-1784), directeur des Laboratoires de Sèvres, et fit à Oro même, dans des fours improvisés, l'essai d'une sorte de kaolin trouvé à Bélus.
Borda apprit aux plâtriers landais un moyen d'utiliser le gypse, abondant dans certains cantons; il fit mettre en exploitation plusieurs tourbières, pour le chauffage domestique.
Il fut le premier à penser et à dire que les Landes ne méritaient pas leur réputation de stérilité, qu'on trouvait sur place d'excellents amendements : marnes, argiles, tourbes, sable de bruyère. II essaya d'acclimater l'arachide.
Il connaissait aussi les bitumes de Gaujacq et Bastennes, où tant de sociétés, depuis, ont foré et reforé, et s'était intéressé aux eaux de Tercis, dont il avait fait reconstruire l’établissement.
Mais vint la Révolution qui bouleversa même cette paisible et laborieuse existence. Convoqué en 1789 à l'Assemblée de la noblesse des Lannes, comme seigneur de Sort et Oro, il prit une part active aux travaux et fut charge de vérifier les titres.
Sa famille et lui furent lourdement taxés pour la contribution patriotique du 2 décembre 1789 :
Demoiselle Geneviève de Borda                           60 livres
Dame Marguerite-Nanette de Borda                    90 livres
Dame Marie-Anne de Borda                                 90 livres
Chanoine Joseph de Borda                                    810 livres
Borda, seigneur d'Oro                                              1320 livres
Chevalier Jean-Joseph de Borda,
ancien capitaine au régiment du Vivarais           100 livres
Borda-Josse                                                                              350 livres

Malgré les événements, Borda d'Oro ne parait pas s'être très bien rendu compte de l'évolution qui se faisait rapidement dans les mœurs car, le 30 pluviôse an 1er (19 février 93), il adressa au maire de Mimbaste une requête dont la naïveté nous confond. Il lui demandait d'appliquer une loi de 1669 qui interdisait aux habitants des campagnes de prendre du bois de chauffage dans les forêts du seigneur et même d'y circuler. Il. se plaignait des dégâts que faisaient ainsi les paysans de Mimbaste dans ses futaies d'Oro.
Cette -requête figure dans les archives de notre société d'où Mlle Louise Dussarps l'a aimablement extraite à mon intention. C'est un document remarquablement conservé et un fort bel autographe.
L'écriture de Jacques-François est minuscule; mais d'une netteté telle qu'on la lit sans difficulté. La signature à peine plus grande est toute simple, sans paraphe ni fioriture. Si c'était encore nécessaire, cela démontrerait à quel point Borda d'Oro était modeste, soigneux, ordonné, précis, méticuleux. Mais sans grande envolée artistique.
La lettre, à coup sûr très maladroite, provoqua-t-elle quelque dénonciation ? Toujours est-il que l'ancien magistrat fut arrêté le 12 brumaire an II (2 novembre 93) et incarcéré à la prison de Dax. Sa fiche de détention retrouvée par M. l'abbé Gayon-Molinier et qu'on peut lire dans son intéressante monographie de Mimbaste, porte qu'il habite Dax, qu'il est veuf, que c'est un aristocrate, partisan de tyrannie; qu’il a exercé pendant trente ans la charge de lieutenant-général au sénéchal et présidial, est seigneur de Sort et Oro et possède 15 000 livres de rentes en biens-fonds: Il est anticivique.
Ses deux filles furent également emprisonnées un peu plus tard : le 28 prairial, Marie-Louise de Borda, 44 ans, sans profession, presque sans ressources, « n'a signé aucun papier liberticide ».
Et Thérèse, 40 ans, le 22 priarial, avec une fiche semblable.
Tout cela ne semblait pas de bien graves accusations; mais celles qui pesaient sur les victimes de Dax l'étaient-elles davan-tage?... M. Coste dit qu’un hasard seul empêcha les Borda de monter sur l'échafaud: Un attentat ayant été commis contre Dartigoeyte, à Auch, ses collègues en mission dans les Landes se dépêcherent d'aller lui prêter main-forte pour une sérieuse répression dans le Gers; les prisons dacquoises passèrent au second plan et thermidor sauva leurs occupants.
Revenu à Oro avec ses filles, Borda consacra encore dix ans à ses travaux. De ses deux fils, l'un avait dû mourir jeune. De l'autre, l'abbé Gayon-Molinier dit qu'il fut consul en Espagne et vivait à Gênes au moment de l'arrestation des siens Nulle part ailleurs on ne trouve sa trace.
Le chanoine Moura nous apprend que Borda reçut chez lui l'abbé Desbiey, son ami et son cadet, lorsque celui-ci rentra d'émigration en 1802, revenant d'Espagne où il avait géré les biens de Cabarrus (Bull. Borda, 1958, p. 187).
En 1803, un autre ami vint lui rendre visite : Cuvier. Cet illustre savant, secrétaire perpétuel de l'Institut, était inspecteur général de l'Instruction publique. En mission dans les Landes, il visita les établissements scolaires de Mont de Marsan le 18 germinal, ceux de Saint-Sever le 19 et arriva le 21 à Dax. Borda d'Oro vint à sa rencontre. Ils eurent grand plaisir à se voir, à causer longuement dans le cabinet des collections où Cuvier examina tout particulièrement les fossiles, dont une rarissime mâchoire de gavial. Il quitta les Landes le 23, ayant pu voir sur sa route quelques champs bien cultivés ; mais les Landes avaient grand besoin de l’aide l'Etat.
Cette visite de Cuvier fit l'objet d'un article dans le journal des Landes; M. Valdeyron, notre collègue de Capbreton, l'y a retrouvé.
Borda d'Oro, malgré son grand âge, avait été nommé président de la Société d'agriculture des Landes, à Mont-de-Marsan. Mais il mourut le 6 nivôse an 12 (23 décembre 1804) âgé de plus de 86 ans. Selon sa volonté, il fut inhumé au pied de la croix du cimetière de Saugnacq, sa paroisse.
Une gravure du temps, reproduite dans la Galerie des Landais, nous le montre déjà très âgé, vêtu d'une sorte de lévite blanche, coiffé d'un grand chapeau posé sur un calot, blancs également. Ce devait être sa tenue de travail en été.
Voici la liste de ses oeuvres donnée par Cabannes :
1° Mémoire sur les fossiles des environs de Dax, son principal ouvrage (en 27 chapitres).
2° Observations d'histoire naturelle sur la paroisse de Sorde.
3° Mémoire sur les habitations des animaux marins, trouvés dans une carrière des environs de Dax.
4° Mémoire sur les tourbes de la partie occidentale de la Gascogne.
5° Mémoire sur l'analyse des eaux minérales.
6° Observations minéralogiques faites sur la côte de l'extrémité méridionale de la Gascogne et sur celle du pays basque.
7° Mémoire sur la plantation des bois de chênes.

Les Annales d'agriculture et le Journal des Landes avaient publié des observations sur la culture des arachides:
Après la mort de Borda d'Oro, ses collections et manuscrits devinrent propriété de sa fille aînée, Marie-Louise. La ville de Dax demanda a les acheter. Melle de Borda refusa d'abord, puis après de longs pourparlers, consentit à céder les collections, moyennant 6 000 francs dit M. Coste, pour le musée dont J.-B. de Grateloup, ami du savant, fut nommé conservateur.
Pour les manuscrits, ce fut une autre histoire et un procès faillit s'engager. Melle Dussarps, bonne fée des archives, m'a communiqué le dossier de l'affaire qui appartient à la mairie de Dax. En voici le principal : on ne sait comment les manuscrits de Borda d'Oro se trouvaient, sous l'Empire, déposés à l'hôtel de ville. En 1813, Melle de Borda chercha à les reprendre. Le sous-préfet, consulté, donna un avis défavorable. Le préfet des Landes, comte d'Angosse, intervint à son tour. D'après lui, les manuscrits devaient logiquement se joindre aux collections achetées par la ville. Une souscription pouvait être ouverte afin de les publier. Mais Melle de Borda ne céda pas. Elle autorisa une copie manuscrite qui devait coûter 600 francs, exigeant qu'ensuite on lui restituât les papiers de son père. Le comte d'Angosse dut finalement accepter cette solution.

La ville de Dax ne se tint pas pour battue ; en 1821, elle demanda au président du tribunal de 1ère instance d'autoriser la communication du testament de Borda d'Oro datant de 1799 et déposé chez Me Senican, notaire à Dax. Ou ce testament ne contenait rien d'intéressant pour la ville, ou une transaction intervint avec Mlle de Borda, très âgée ; on n'entendit plus parler de l'affaire.
En 1879, Henry du Boucher, président de la Société de Borda commença dans le Bulletin la publication des cahiers d'études sur les terrains des environs de Dax. Ces pages fouillent le sol, toise par toise avec les détails les plus minutieux sur l'embouchure de l'Adour, les vallées de l'Adour et du Luy, les sables, les argiles de diverses couleurs, les nappes d'eau, la terre arable. Rien n'est" oublié. C'est certainement un travail remarquable et magistral pour ceux que passionne la géologie. Pour le commun des mortels... c'est >monotone et lassant. Nos devanciers durent, je présume en juger ainsi. Le président du Boucher cessa la publication après cinq numéros et ne la reprit jamais.
La famille de Borda d'Oro s'éteignit avec ses filles. Celle des Borda-Labatut continua. Jean-Charles ne s'était pas marié ; il mourut à Paris en 1799. Mais son frère cadet, Jean-Joseph eut plusieurs enfants. Une de ses petites filles. Catherine-Virginie de Borda, épousa le général de Cardenau. Notre chère vice-présidente, madame de Lataulade, née Marie-Thérèse Roques de Borda, est aussi de cette lignée.
Pour les Borda-Charitte, nous en avons vu un, le chevalier Jean-Joseph, ancien capitaine au régiment du Vivarais, imposé de 100 livres en 1780. Il émigra, rentra en 1816, épousa sa cousine Melle Sallenave et devint ainsi propriétaire du Pouy. C'est sa fille, Amanda de Borda, baronne de Luppé, grande bienfaitrice des établissements religieux de Dax, qui donna aux Lazaristes sa propriété.
Pour terminer, voici l'éloge funèbre de Borda d'Oro, que M. Valdeyron, bibliothécaire municipal de Capbreton a extrait du Journal des Landes et confié au président Thouvignon.

21 nivôse an 12
Le département des Landes vient d'éprouver la perte la plus douloureuse et la plus irréparable. M. de Borda d'Oro n'est plus. Le respectable vieillard a terminé sa carrière le 13 nivôse à 6 heures du matin dans la 86ème année de son âge. Ses vertus morales et chrétiennes portées au plus haut degré, lui avaient concilié l'amour et le respect de tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître et de l'approcher. Les pauvres dont il fut le père, iront longtemps pleurer sur sa tombe et lui redemander leur bienfaiteur et leur appui.
Il a conservé jusqu’à son dernier soupir toutes les facultés de son âme. Sa douceur, sa patience, la sérénité de son esprit ont fait couler des larmes d'attendrissement et de regret à tous ceux qui l'ont environné à ses derniers instants…
M. de Borda était né le 25 mai 1718. Sa famille, qui le destinait à occuper une place importante dans la magistrature, dirigea ses études vers ce but. Il s'y livra avec zèle, avec succès, mais à regret. Il était entraîné par son goût dominant, irrésistible, vers l'histoire naturelle.
Pendant tout le temps qu'il occupa la place de président au présidial de Dax, il se distingua constamment par son assiduité, son intégrité et surtout par un désintéressement au-dessus de tout éloge. Il jouit toujours de la plus haute considération auprès du parlement de Bordeaux, qui sut apprécier ses éminentes qualités et lui donner fréquemment des preuves de sa confiance.
Les orages qui grondèrent sur la magistrature en 1771 le déterminèrent à vendre sa charge. Libre des occupations qu'elle lui donnait, il se livra tout entier au plus cher objet de ses études. Pour y vaquer avec plus de liberté, il abandonna entièrement la ville peu de temps après et se retira à la campagne, qu'il a constamment habitée jusqu'à sa mort.
Toute sa vie a été consacrée à l'étude de l'histoire naturelle de notre département- II avait réuni la suite complète de ses productions dans un superbe cabinet, fruit de soixante ans de soins et de travaux. Il est bien à désirer que ce dépôt précieux ne soit pas perdu pour notre département et que du consentement de sa famille, il puisse être fixé à Dax d'une manière irrévocable, pour servir à l'instruction de ceux qui voudraient se livrer au même genre d'études.
La ville de Dax s'honorera sans doute de conserver ce monument des travaux d'un concitoyen également distingue par ses vastes connaissances et par ses vertus. La description de ce cabinet, l'analyse raisonnée de tout ce qu'il renferme, est consignee dans un manuscrit auquel M. de Borda a mis la dernière main peu de temps avant sa mort ; il est accompagné de dessins exacts et parfaitement bien faits des principales pièces qui le composent.
Puisse ce manuscrit précieux n'être pas perdu pour le public.
Signé :  F. Batbedat
 
François Batbedat, né à Bayonne le 2 avril 1715, négociant et armateur, s'intéressait à Vicq-en-Chalosse (actuellement Vicq-d'Auribat) à l'élevage et à l'agriculture. Il était -membre fondateur de la Société d'agriculture, sciences et arts des Landes. II n'avait rien de commun avec le fameux Louis-Samson Batbedat. Membre du Conseil général des Landes, il se heurta violemment à L.S.B., lors des élections législatives de l'an VI, truquées avec violence par ce dernier et qui furent annulées.
Cet éloge funèbre fait, seul, allusion aux orages qui menacèrent en 1771 la magistrature et qui contribuèrent en partie à la retraite de Borda. Il s'agit du conflit très grave qui opposa Louis XV au parlement de Bretagne, puis à celui de Paris, l’amenant à casser tous les arrêts et à restreindre la liberté de la justice. Le parlement de Paris fut même exile a l'instigation du chancelier de Maupéou et il fut question de supprimer la propriété des charges. Tous les parlements de province avaient pris fait et cause pour celui de la capitale. Le timide et prudent F. de Borda ne devait pas apprécier ce climat.
Comment conclure ?... Valait-il vraiment mieux transporter les collections de Borda à la mairie de Dax ?... N'auraient-elles pas été plus en sûreté au château d'Oro ? On a cru bien faire, certes, et nul ne pouvait prévoir les déménagements du musée ; encore moins l'occupation allemande. Il ne faut rien reprocher à qui que ce soit ; mais seulement regretter de savoir perdue une collection sans doute incomparable.
 
M. BACLER d’ALBE-DESPAX.

BIBLIOGRAPHIE

CAUNA. (Baron de) : Armorial des Landes, précédé des Cahiers du tiers-état et la noblesse des Lannes en 1789, Bordeaux, J. Dupuy, Impr., 1863-1869, 3 vol. in-8°.
P COSTE : Jacques-François de Borda d'Oro, Bull. Borda. 1908, pp. 319-355.
Gabriel CASANNES : Galerie des Landais, t. III, p. 87 et tome VI, p. 74.
Maurice DUSSARPS : La contribution patriotique de 1789 (Le registre des dons à Dax), Bull. Borda, 1917, pp. 62 et 68.
Dr APARIS1-SERRES : La vie dacquoise de Borda, Bull. Borda, 1933, pp. 26 à 42.
MILLIES-LACROIX (Raphaël), ancien maire de Dax, ancien ministre : La petite histoire de Dax, Dax, Labèque, 1933.
DUFOURCET (Louis) : L'Aquitaine historique et monumentale. Dax. Son histoire, d'après les documents de la Société de Borda, Bull. Borda, 1934, pp 93 à 95.
GAYON-MOLINIER (Abbé) : Monographie de Mimbaste, multigr., s.d., 67 p Archives Soc. Borda : Lettre de J. Fr. de Borda d'Oro au juge Lanusse.
Arch. mun. Dax : Dossier sur le testament de J. Fr. de Borda d'Oro.
Journal des Landes (n° du 21 nivôse an 12) : Eloge funèbre de J. Fr. de Borda d'Oro.