Les lignes qui suivent sont largement inspirées de la monographie rédigée par M. Tastet, curé de Saugnac en 1865.

Les documents qui nous restent ne nous permettent pas de remonter au-delà de l’année 1625.
 A cette époque, M. Dépinard desservait la paroisse de Saugnac. Il l’a administré jusqu’en 1644, sans qu’il nous soit resté quelque renseignement sur ces années.
 M. Castets lui succéda jusqu’en 1646, puis M. Marqua jusqu’en 1663.
 Guillaume Moras, originaire de Dax, posséda ensuite la cure de Saugnac durant quarante ans. Il mourut en 1703. Ce fut un prêtre remarquable par ses qualités autant que par sa sévérité. Il joignait à beaucoup d’esprit une belle représentation. Il était fort redouté dans la paroisse où il a passé toute sa vie en procès, tantôt pour faire nommer des marguilliers, tantôt à l’occasion d’une claie du pré de Macouau où l’on ne passait autrefois que par faveur, et où l’on a pratiqué ensuite le chemin de la chaloupe. Ce petit chemin a été depuis longtemps converti en une route qui ne laisse rien à désirer et ce n’est plus au moyen d’une chaloupe que le quartier d’Arzet communique avec celui de l’église, mais bien par un magnifique pont en fer construit en 1884 par M. Bastiat, constructeur mécanicien à Dax. M. Moras eut aussi plusieurs affaires privées contre les habitants. D’après quelques fragments de pièces de procédures, il reste avéré que M. Moras avait à lutter contre des gens qui n’étaient pas très commodes mais qu’il força à reconnaître ses droits.
 Après la mort de M. Moras, M. Pélegrin, basque d’origine, fut pourvu de la cure de Saugnac ou, pour mieux dire, il se la donna lui-même. Car cet homme, nous dit M. Domec, était si dominant dans l’esprit de Mgr Darboucave, évêque de Dax, qu’on l’appelait généralement l’évêque noir. Il était secrétaire de l’évêché et son crédit était si grand qu’il disposait presque en maître des cures, surtout en faveur des étrangers qui depuis cette époque, se sont toujours maintenus dans le diocèse et dans les places de l’évêché. L’autorité de M. Pélegrin lui attira l’envie et l’aversion du diocèse et du chapitre où il ne put jamais être admis, quoiqu’il fit. Il pensa à s’en dédommager en se donnant un poste pas trop éloigné de l’évêché. Il jeta donc les yeux sur Saugnac. Cette cure lui parut préférable à tant d’autres, d’autant mieux qu’à cette époque, il y avait deux vicaires dans cette paroisse qui en faisaient le service. Aussi n’y résida-t-il presque jamais.
Mgr Darboucave avait pour valet de chambre un homme fort avisé nommé Postis, aumônier aussi ancré dans l’esprit de l’évêque que M. Pélegrin. Postis, qui ne quitta l’évêque qu’à sa mort, me raconta depuis, dit Pierre Domec, que la cure de Mées ayant vaqué, tous les domestiques de l’Evêque, conduits par ledit Postis, furent demander cette gentille paroisse à l’Evêque pour un prébendier de la cathédrale nommé Belloc, en prévenant l’Evêque que M. Pélegrin en faisait expédier le titre pour un autre. L’Evêque la leur promit avec assurance de résister à Pélegrin. Celui-ci s’étant présenté pour faire signer le titre, « Pélegrin, lui dit l’Evêque, je ne signerai pas. Comment, vous voulez donner toutes les cures ? Cela n’est pas juste, je veux disposer de celle-ci. » Comme dans le ton, il y avait de l’humeur, Pélegrin n’insista point.
Après cet incident, soit que Pélegrin trouvât le revenu de Saugnac trop mince, soit qu’il ambitionnât une position plus agréable en se rapprochant de son pays natal, après avoir possédé la cure de Saugnac pendant neuf ans, il la quitta en 1712 pour prendre la cure de Lanne où il resta plusieurs années et qu’il résigna ensuite en faveur d’un de ses neveux.
 M. Pélegrin, en s’éloignant de l’Evêché, avait eu soin d’y placer une de ses créatures, savoir M. Lacoarret, béarnais de Labastide d’Arrans, du diocèse d’Oléron, lequel fut pourvu du secrétariat pendant les neuf ans que Pélegrin passa à Saugnac. Quand celui-ci s’éloigna de cette paroisse pour passer à Lanne, il fit donner ce poste à Lacoarret qui le posséda depuis 1712 jusqu’à 1724. Pendant les douze années que Lacoarret passa à Saugnac, il ne négligea point les intérêts de la cure, et dans les luttes qu’il eût à soutenir contre les prétentions non fondées du commandeur Mothes, il obtint du Grand Conseil un arrêt conforme à ses conclusions, déposé parmi les papiers de la cure. M. Lacoarret fut transféré à Gamarde en l’année 1724. Avant de mourir, il résigna cette cure à son frère.
 M. Lacoarret, en quittant l’Evêché, voulût s’y assurer un ami. Il fit donc entrer au secrétariat Pierre Brethous de Montgaillard, prieur de St Sever, auquel il fit donner la cure de Saugnac lorsqu’il passa à celle de Gamarde. M. Brethous que j’ai peu vu, nous dit M. Domec, était un homme d’une taille moyenne, mais fort gras. Il ne parait pas qu’il ait rien fait de remarquable dans la commune en faveur de la cure, mais il fut plus attentif à accumuler des fonds en faveur de sa famille. Il maria et dota deux de ses nièces avec deux riches paysans de Habas et de Misson. Il éleva autant deux de ses neveux, dont l’aîné, avocat aujourd’hui à St Sever dit M. Domec se moqua longtemps d’acquitter les fondatum (fondations) que son oncle avait faites en faveur de l’église et des pauvres de Saugnac, après que son père eût recueilli toute la succession du curé. M. Brethous mourut au mois de septembre 1750.
 Il fut remplacé à Saugnac par M. Villemayan d’Orthevielle. C’était un suffisant pincé, dévoré d’ambition, dit un peu méchamment Pierre Domec. Placé d’abord à Orthez où il ne resta qu’un an, il passa de là à Saubusse, et il fit bien l’échange de la taupe (il a pris le mauvais pour laisser le bon), ajoute fort humblement Domec, en quittant cette paroisse pour prendre la cure de Saugnac. Mais hâtons nous de le dire, depuis lors les choses ont bien changé. Il avait pour motif de se rapprocher de Mgr de Suarez d’Aulan, Evêque de Dax dont il cultivait les faveurs. Il avait couché en joue, mais en vain, un canonicat, de même que la cure de Lanne, possédée encore par le neveu infirme de Pélegrin, et celle d’Orthevielle possédée par le vieux Dussarat.
M. Villemayan, d’une faible complexion (constitution physique) et souvent malade, se plaisait partout où il n’était pas. Il ne faisait pas de longs séjours à Saugnac. Il passait tous les lundis à St Pandelon pour faire la courbette à l’Evêque, il cinglait ensuite du côté d’Orthevielle où il restait toutes les semaines de l’été, lorgnant en passant les girouettes de Lanne et d’Orthevielle. Pendant ses absences continuelles, il trouva moyen de se faire remplacer par les vicaires de Mimbaste et de Narrosse.
Cependant, la cure de St Martin de Hinx vint à vaquer ; l’air y était bon, le pays fort beau. Cette paroisse lui ayant été offerte par son Evêque, il s’empressa de l’accepter. Il ne pouvait vraiment pas refuser un objet qui lui présentait tant d’agrément. Tous ses désirs pourtant n’étaient point remplis, ce n’était là ni Lanne ni Orthevielle qu’il convoitait toujours si ardemment. M. Villemayan conserva St Martin de Hinx à peine un an après lequel, sous prétexte de la difficulté du service, il revint à Saugnac afin d’être plus à portée de courtiser l’Evêque.
Sur ces entrefaites, la cure de Habas vint à vaquer. L’air y était subtil, le revenu considérable. Il y avait un vicaire et de la société. Ce poste lui ayant été offert, Villemayan l’accepta plutôt pourtant par politique que par goût, et quitta Saugnac non sans regret, vers la fin de l’année 1760. Mais il sentit bientôt tout le fardeau de sa nouvelle cure. Il commença à s’y languir d’une fièvre forte. Pour le consoler de la sottise de son échange, et repaître son ambition, l’Evêque le fit nommer Syndic du clergé à la place de M. Lartigau, curé de Sort. Flatté de cette faveur, ni la continuité de la fièvre, ni la faiblesse de ses forces ne purent le retenir. Il se fit transporter à la première assemblée du bureau où son aspect cadavéreux effraya tout le monde. Il revint à Habas où les secours de toute espèce ne purent corriger les vices de sa mauvaise constitution. Il mourut sur la fin de l’année 1761, après être resté à peine un an à Habas. Tel fut le terme de l’ambition et de la perplexité, nous dit le caustique Domec, du malheureux Villemayan.
 M. Domec naquit à Bonnut le 11 mars 1725. Il fut élève au collège des Barnabites de Dax. Promu au sacerdoce en 1750, il fut envoyé à Ousse avec le titre de vicaire. Bientôt après, il passa de ce vicariat à celui de Dax. En ce temps là, les idées jansénistes avaient fait invasion dans une partie du clergé diocésain. M. Domec, par amour pour la saine doctrine, combattit énergiquement les jansénistes autour de lui et se signala par son zèle à cet égard aussi bien que par son intelligence et son instruction. Envoyé au poste de Saugnac, il y rencontra beaucoup de contradictions et de mauvais vouloir (mauvaise volonté) de la part des habitants. Son esprit entreprenant le porta à soulever des questions d’intérêt local où il ne manqua pas de difficultés.
Ainsi, il rédigea, d’après des copies sur parchemin remontant aux XVIème et XVIIème siècles, les statuts de la Communauté de Saugnac et d’Arzet votés en assemblée générale des capcazaliers, tenue aux « bancs du Pouy » le 19 février 1770.
En 1789, il était également Syndic (mandataire) du diocèse de Dax. Or, à la fin du mois de mars, lors de l’élection du député du Clergé, avec le curé d’Eyres, Dupoy de Monicane, syndic du diocèse d’Aire, il empêcha l’élection des évêques d’Aire (Chahuzac et De Caux), et de celui de Dax (Lequien de Laneuville). A la grande colère de son supérieur, il favorisa l’élection de Jean Goze, curé de Gaas qui obtint 122 suffrages sur 208. Il écrivit plus tard, d’une plume acide : « le sujet n’était pas propre à cette fonction. Il n’avait aucune connaissance de la Constitution de l’Etat ni des affaires du Clergé ; mais comme je redoutais, moi, cette députation, je dirigeai tout d’abord mes soins vers M. Goze ».
Dès l’année 1792, le curé Domec ne semble plus habiter à Saugnac. Sans doute a-t-il refusé de prêter serment à la Constitution Civile du Clergé. Le nouveau desservant, le citoyen Sentets, n’y réside qu’épisodiquement.
Le citoyen Domec revint à Saugnac le 10 messidor de l’An III (28 juin 1795), « soumis, comme il l’a toujours été, aux lois de la République… ». Mais bien qu’il ait écrit de sa propre main, dans le registre des délibérations du Conseil, le 14 brumaire de l’An IV (4 novembre 1795) « je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la République », la municipalité lui signifie le 17 qu’il est en état d’arrestation, conformément à un arrêté départemental datant du 15. Il aurait été incarcéré dans le couvent Sainte Marie de Mont de Marsan transformé en prison.
Libéré, il revint le 27 vendémiaire de l’An VI (28 octobre 1797). Cette fois, il prêta serment devant l’agent municipal Lanusse de « haine à la royauté, haine à toute entreprise pour la rétablir, haine à l’anarchie et attachement et fidélité à la République ».
Il gouverna la paroisse de Saugnac jusqu’à sa mort, le 14 mars 1807, à l’âge de 82 ans.
 M. Brus, natif du Lot et Garonne, remplaça M. Domec au poste de Saugnac. Nous ne trouvons rien dans les archives concernant son administration. Il quitta la cure l’année suivante et fut remplacé par M. Duquit, accueilli le 5 juin 1808 par la municipalité.
 M. Duquit administra la paroisse de Saugnac pendant huit ans. Dès son arrivée, il s’occupa à réorganiser la fabrique, à réparer les vitraux de l’église, les cloches … Il rétablit dans la paroisse la Confrérie du Très Saint Sacrement. Pour témoigner à la famille d’Oro toute la reconnaissance pour ses générosités envers l’église, il demanda et obtint pour elle à l’église le ban appelé le ban d’Oro.
M. Duquit paraît s’être occupé avec zèle du bien spirituel de ses paroissiens et sut mériter avec leur reconnaissance leur estime et leur affection. Il mourut vers la fin de l’année 1816 et fut remplacé par M. Aubiban.
 M. Aubiban a desservi la paroisse de Saugnac trente et un ans environ. Il ne paraît pas s’être occupé assez sérieusement du bien des âmes et s’en rapportait trop à M. le maître d’école pour l’instruction à donner aux enfants de la première communion. Il passait la majeure partie de son temps au château, ce qui lui attira toutes sortes d’histoires de la part des méchants. Frappé d’un interdit par son Evêque, il se retira à St Vincent de Xaintes où il mourut quelques années après. Mais avant sa mort, il mérita par sa bonne conduite de voir son interdit levé et de pouvoir célébrer la sainte messe.
 M. Capdeville, né à St Sever en 1804, fut nommé à la cure de Saugnac après M. Aubiban en 1840 et il la quitta dans le mois d’avril 1846 pour passer à la cure d’Onesse.
Son administration à Saugnac fut extrêmement orageuse, et cela en grande partie parce que son prédécesseur avait laissé disparaître dans la paroisse tous les bons usages.
Ce n’était, dit M. Montauzé, que division, haine, discussions soulevées pour des questions d’argent et d’honoraires. De là des médisances, des dénonciations, et aucun fruit dans les âmes.
Après son départ, la paroisse resta six mois sans pasteur. M. Destrac, desservant la paroisse de Narrosse, en fit le service pendant l’intérim. Il en fut même nommé curé dans le mois de juillet. Mais craignant des difficultés du côté d’Oro, il donna immédiatement sa démission après sa prise de possession.
 M. Montauzé, né à St Sever en 1812, fut nommé curé de Saugnac le 21 juillet 1847. Il s’occupa dès son arrivée avec la plus grande activité à reconstitier la paroisse, à rétablir le respect pour le prêtre, l’habitude de la religion dans les familles et la piété dans les âmes. Son zèle fut vraiment béni de Dieu, si bien que dans peu de temps, la paroisse fut entièrement changée. Malheureusement pour elle, il n’y resta pas longtemps : ayant eu la malchance de déplaire à M. Vergez d’Oro, alors préfet de Perpignan, il fut obligé de quitter Saugnac.
Depuis son départ de cette paroisse, M. l’abbé Montauzé remplit diverses fonctions dans le diocèse, tantôt plus ou moins heureusement. Aussi, en 1886, après le cataclysme des ateliers Gaudale où sombra sa fortune et presque son honneur, de plus en plus dégoûté d’un monde trompeur, il entra à Maylis pour passer dans la paix de Marie le reste de sa vie.
 M. Maniort, natif de Gamarde et curé de Lahosse, vint remplacer l’abbé Montauzé à la cure de Saugnac et continua l’œuvre de régénération entreprise par son serviteur avec zèle et prudence, ce qui ne l’empêcha pas pourtant d’avoir à souffrir de la part d’un certain monde. Il mourut en 1856 après avoir gouverné la paroisse huit ans environ.
Selon son désir, il fut enterré derrière la sacristie, espérant que la commune ne tarderait pas à faire construire un second bas-côté et que, par la suite, il se trouverait enseveli dans l’église. C’est en effet ce qui s’est effectué vers la fin de l’année 1885.
M. Maniort qui avait toujours vécu comme un saint mourut en prédestiné. Aussi, je ne sais point passer devant son tombeau sans lui adresser une prière pour son ancien troupeau et son pasteur.
 M. Darrieu, né à Arsague en 1820, remplaça M. Maniort à la cure de Saugnac et en prit possession dans le mois de septembre 1856. Homme très actif et ne manquant point de zèle pour le salut des âmes, il continua avec ardeur les bonnes œuvres entreprises par son prédécesseur. Victime d’une affreuse calomnie, il fut enlevé en 1863 à la paroisse de Saugnac qui l’affectionnait beaucoup et nommé à celle d’Oeyregave.
 M. Loloum, né à Escalans en l’an 1830, fut nommé curé de Saugnac en 1863. Il en prit possession le 18 juin pour entrer en fonction le même jour. Son zèle sans borne, pas assez prudent, lui suscita de furieuses tempêtes.
Il fut obligé de quitter la paroisse vers la mi-septembre 1865 et entra à St Lazare. Mais il ne tarda pas à quitter les prêtres de la mission pour redevenir simple curé. Puisse son expérience des difficultés du ministère pastoral lui avoir servi de leçon.
 M. Loloum eut pour successeur M. Tastet, curé de Mées, né à Pouillon en 1820, qui fut nommé au poste de Saugnac le 5 octobre 1865 et en pris possession le 9 du mois suivant.
Il décéda à Dax en 1900.